Le live à l'ère de la distanciation

Image d'une jeune femme faisant un live shopping

Nous y sommes, l’autre est devenu dangereux. Ou plutôt, parce qu’il est bien plus bienveillant de le dire ainsi, nous sommes devenus « dangereux pour l’autre ».

Aussi commençons-nous à exceller dans le domaine de la transformation digitale, pas seulement en entreprise, mais également à l’échelle individuelle.

Nous voilà tous très occupés par le processus accéléré de transformation requis pour nous adapter.

Car outre la rébellion, nous avons le choix entre l’adaptation ou de se retrouver totalement à côté de la plaque. Tout de suite.

Télé-travailler à l’aide d’outils de visio-conférences, assister à des salons virtuels, se former ou s’informer via des webinars, conférences digitales et autre nouveau format d’e-learning, acheter une part croissante de produits et services via des plateformes e-commerçante, consulter un menu au restaurant via un QR code sur son téléphone, remplacer le manuel scolaire, le carnet de correspondance ou le cahier de texte par des e-remplaçants en tous genres, organiser des apéro distants, des moments de convivialité au restaurant sans restaurant ou sans convive sur Twitch…

Pour que ces nouvelles pratiques, remplaçantes imposées de nos interactions « IRL » nous touchent, nous sensibilisent, nous engagent autant, faut-il encore qu’elles puissent restituer au plus proche les éléments fondamentaux de la rencontre, de la relation.

La vision, la perception subtile des attitudes au naturel et en mouvement, les bruits, la voix, les odeurs, le toucher, l’interaction ? Tout un programme. Nous n’y sommes pas, ou en tout cas pas de manière exhaustive, optimisée, démocratique, accessible, inclusive.

Non, pour l’instant, la vraie vie n’est pas reproductible massivement auprès de tous via le digital (c’est bien ainsi non ?).

Ce qui paraît s’en approcher le plus demeure la vidéo, si possible live, parfois prise sur le vif, et mieux encore, lorsqu’elle est enrichie de fonctionnalités d’interaction permettant à ceux qui la lisent de dire ce qu’ils en pensent, de poser des questions, d’envoyer des petits émoticônes pour exprimer leurs sentiments, de faire des choix, de changer le cours du live par leur intervention, d’en être eux-mêmes acteurs contributeurs.

Ainsi nous nous retrouvons avec un remplaçant incomplet mais fort satisfaisant quand la vraie vie est distanciée voire cloisonnée.

C’est un peu ce que nos enfants, adolescents ou jeunes adultes, utilisent et consomment toute la journée et ce depuis bien avant le récent confinement, et qui nous a fait remarquer à leur égard, malins que nous sommes, que ce n’était pas la vraie vie, de vrais amis, ou de vraies occupations intéressantes.

Ont-ils eu le même réflexe quand ils nous ont vu adopter à grande vitesse le même type d’outils pour travailler « sérieusement », apprendre, partager, nous informer et nous divertir ?

Quand, agacés, nous leur avons fait comprendre en pointant notre mac du doigt de manière impérieuse que nous étions en réunion et ne pouvions leur répondre ? Ce n’est pas le vrai travail, la vraie vie, de vrais amis, de vraies occupations intéressantes ?

Ce qui est magique quoi qu’il en soit, c’est l’adoption massive d’un nouvel usage en mode « bottom-up », diffusé et amplifié par la rue, ses codes, les jeunes qui par leurs utilisations, leurs retours, poussent l’amélioration continue des capacités fonctionnelles des outils, lesquels sont bien plus avancées à ce titre que les outils longtemps proposés par les grandes firmes techno ou les entreprises utilisatrices.

Les choses se sont améliorées et les Meet, Zoom, Teams et consors nous ont fait progresser, un peu forcés, et atteindre un niveau et un volume d’utilisation jamais encore égalés par le passé, en très peu de temps.

Ils n’ont pour autant que peu de fonctionnalités engageantes ou interactives à proposer face à leurs homologues B2C, Instagram live ou Twitch pour ne citer qu’eux.

Et pourtant, tous, nous le savons et l’avons vécu, nous nous sentons engagés quand on est captivés, par les images, le son, les interactions, voire le jeu et l’enjeu de celui-ci : récompenses & valorisation. Ainsi également, nous retenons mieux un message. Nous conservons un meilleur souvenir de l’expérience. Plus généralement, nous avons moins le sentiment de subir passivement une expérience imposée qui nous fait perdre du temps.

(je dis cela uniquement pour les quelques d’entre vous qui auraient pu ressentir un ennui profond de longues visio ces derniers mois).

C’est ainsi et tout naturellement que des solutions professionnelles naissent des inspirations de plateformes B2C, des usages des consommateurs entre eux, des bijoux technologiques mis dans les mains des utilisateurs et dont nous ne maitrisions il y a peu tous les potentiels, en tant que professionnels. Ici le débat n’est pas de se poser sur les dangers et les excès, les dérives et le despotisme de l’image ainsi que de ses impacts potentiels sur l’estime de soi et la confiance des dits utilisateurs, juste sur les facultés technologiques de ces plateformes à restituer le plus grand nombre de variables de la vraie vie en une interaction live.

Imaginons que ces solutions « presqu’IRL » soient en effet utilisées dans le cadre de conférences, évènements professionnels, réunions internes, communication corporate, ou de manière plus ouverte pour le commerce ?

Ce commerce souffre et se trouve être l’une des premières victimes économiques de la distanciation forcée, et à quelques semaines des fêtes de fin d’année, de multiples études nous restituent le très normal manque d’enthousiasme des consommateurs. Ils sont inquiets, se déplaceront moins en magasin (si ceux-là restent ouverts), déporteront une grande partie de leurs achats sur l’e-commerce mais quoi qu’il arrive, ont et auront des soucis d’argent et consommeront moins.

Et puis quand l’analyse est plus poussée, on découvre assez logiquement qu’ils perçoivent l’e-commerce comme plus pratique, plus rapide, plus sécurisant (vs la pandémie) et plus propice aux bonnes affaires.

Exit la flânerie devant les rayons, la discussion avec la vendeuse, les 10 questions posées sur le produit, le small talk hors sujet tellement humain, l’avis de l’acheteur intéressé par le même produit, croisé dans la boutique… Vinted, d’ailleurs, l’a bien compris tout en le subissant les excès de l’humain : qui n’a pas passé des heures à prendre des photos dans toutes les poses et répondu à des questions exotiques dans le cadre de la vente d’un vieux pull sur cette plateforme ? ;-).

L’e-commerce c’est pratique et vite plié mais il faut bien avouer que cela manque de matière, de chaleur, de contact et « d’inutilité » somme toute très humaine. Or, nous en avons grandement besoin. Aujourd’hui plus que jamais.

Les grands e-commercants, jusqu’à hier très focalisés sur les sacro-saintes fluidité et efficacité de leur tunnel d’achat, le savent et commencent à s’interroger sur le comment de l’insufflation Humaine dans ce tunnel.

Et ce à l’instar des plateformes e-commerçantes, la plupart en Asie, qui ont déjà remis au goût du jour feu(?) le Télé achat via des sessions de live shopping sur leur site, et qui tout en divertissant et en chattant avec leurs clients en direct, leur ont vendu des milliers d’articles et ont ainsi ré-enchanté les séances de shopping à distance (et leurs revenus).

Peut-être tenons-nous là une solution palliative à la distanciation, apte à redonner du plaisir et de l’énergie au commerce.